Paris Police 1900
Canal + a déployé des moyens considérables pour cette production qui fait preuve d’un grand réalisme historique. Son créateur, Fabien Nury, a trouvé, comme il le dit lui-même, une scène idéale dans ce Paris de la fin du XIXème siècle.
D’abord, le contexte ne peut que nous interpeller. Nous sommes entre les deux procès d’Alfred Dreyfus et l’antisémitisme a pignon sur rue. Des journaux comme L’antijuif sont édités en plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires et des discours qui paraissent aujourd’hui sidérants sont prononcés en public. L’époque a aussi ses faits divers sordides. La série s’organise ainsi autour de l’affaire d’une femme assassinée, découpée en morceaux et retrouvée dans une valise. Enfin, viennent compléter le tableau, des personnages charismatiques et haut en couleurs, comme le préfet Lépine, sorte de cow-boy parisien.
Il y a probablement beaucoup à dire et à écrire sur cette série. Commençons ici par quelques lieux marquants de cet univers.
Prison pour femmes de St-Lazare
Ce lieu n’est pas reconstitué dans la série, mais il est souvent évoqué. Cette grande prison parisienne pouvait accueillir plus d’un millier de femmes (et un certain nombre d’enfants de moins de 4 ans qui les accompagnaient).
Aujourd’hui, seulement 3,5% environ des personnes écrouées en France sont des femmes, mais la série montre que la situation était très différente en 1900. Tout d’abord, certaines peines de prison ne concernent que des femmes comme celles qui sont prononcées pour avortement ou adultère (eh oui, il y dans ce dernier cas une légère dissymétrie des peines, puisque le mari, lui, n’encours qu’une peine d’amende, et encore seulement s’il a utilisé le domicile conjugal). Il y a également toute une série d’enfermements administratifs ou arbitraires, notamment pour prostitution non déclarée, ou sur décision du père de famille.
Aujourd’hui…
La majeure partie des bâtiments de la prison a été détruite, mais il subsiste la chapelle et l’infirmerie au 107 de la rue du Faubourg Saint Denis. La chapelle, avec sa façade en briques rouges est bien repérable derrière le square Satragne tandis que les bâtiments de l’infirmerie ont fait l’objet d’une grande réhabilitation pour créer médiathèque, école et crèche, entourées de palmiers.
Abattoirs de la Villette
Aussi appelée Cité du sang, c’est le théâtre idéal des nombreuses scènes glauques de la série. Les différents abattoirs parisiens avaient été transférés vers ce site gigantesque qui alimentait toute la capitale.
Le travail y était difficile et peu valorisé, le mécontentement des ouvriers y était important. Les milieux antisémites avaient par conséquent réussi à y recruter des gros bras et des agitateurs même si leur nombre n’était peut-être pas aussi important que cela (voir lien en fin de page).
Après la deuxième guerre mondiale, il a été décidé de reconstruire totalement toutes les installations. Le chantier fut interminable, constitua un grand scandale financier et s’avéra finalement inutile. En effet, avec les progrès des transports et de la réfrigération, il devint plus pertinent d’éloigner ce type d’installations des centres-villes.
Aujourd’hui…
Le site a donné naissance au Parc de la Villette. Quelques bâtiments témoignent encore du passé du site comme la Grande Halle, vaste espace d’exposition qui était autrefois la Halle aux bœufs.
La cité des sciences et de l’industrie réutilise aussi en partie ce qui devait être la salle des ventes de ce marché.
Fort Chabrol
Attention spoiler! C’est la fin de la saison.
Pendant l’été 1899, un coup de filet est lancé dans les milieux antisémites. Celui-ci se déroule peu avant le procès en révision d’Alfred Dreyfus et vise à prévenir les troubles. Jules Guérin, directeur de l’hebdomadaire L’antifjuif, refuse son arrestation et se retranche avec 12 fidèles armés dans ses locaux situés rue Chabrol, espérant que ce coup d’éclat encouragera la révolte.
Le gouvernement ne tombe pas dans le piège et joue la montre. Commence donc un siège rocambolesque, en plein Paris, qui va durer 38 jours ! Jules Guérin et ses hommes finissent par se rendre, au moment où Alfred Dreyfus est gracié, et où les militaires du Génie ont été appelés en renfort pour créer une brèche. L’expression « Fort Chabrol » est depuis entrée dans le langage courant pour désigner des forcenés retranchés.
Aujourd’hui…
Au 51 rue de Chabrol se trouve toujours la façade que l’on voit dans le film ou sur les photos d’époque. Les lieux sont restés presque les mêmes, le commerce du rez-de-chaussée en plus.
Pour en savoir plus
- Bande annonce et interview du créateur de la série, Fabien Nury
- Histoire(s) d’adultère : adultère, couple et divorce au XIXe siècle. Recherche à partir des sources judiciaires.
- L’affaire de la « viande à soldats ». Une campagne antisémite en 1892. Comment les « professionnels de l’antisémitisme » ont exploité le mécontentement des bouchers de la Villette.