Les places royales
Les places royales sont une création du XVIIème siècle. Pour mesurer à quel point il s’agit d’une nouveauté, il suffit de chercher ce qui pourrait ressembler à une place sur ce plan de Paris qui date de 1550.
La place de Grève, devant l’hôtel de ville (quart supérieur gauche) fait figure d’exception. Ailleurs, la ville est dense, les constructions sont presque partout.
Henri IV, le précurseur
Le premier à rompre avec cet urbanisme hérité du Moyen-Age est Henri IV. Il lance deux projets : la place Dauphine, à l’extrême-ouest de l’Ile de la Cité et la place des Vosges (à l’époque nommée place royale) située dans le quartier du Marais.
Ces places ne sont pas des carrefours de circulation. L’idée est de construire des lieux d’agrément, permettant la promenade ou les jeux. Elles sont quasiment closes et une attention toute particulière est portée à l’uniformité des bâtiments qui les bordent. Celle-ci est obtenue en imposant un cahier des charges très précis aux futurs propriétaires qui souhaitent y faire construire leur hôtel.
La place Dauphine a été profondément modifiée. Non seulement elle a perdu son uniformité, mais un côté lui a même été ôtée en 1872. Seuls les deux pavillons donnant sur le Pont Neuf permettent de se faire une idée de l’architecture d’origine. En revanche, la place des Vosges a gardé tout son charme. On peut toujours admirer l’intégralité des bâtiments de style Louis XIII en pierres et briques. De plus, elle est restée à l’écart de la circulation et dotée d’un grand square, ce qui la rend très agréable.
L’apogée sous Louis XIV
La place royale prend une nouvelle dimension sous Louis XIV, et sert directement l’image du souverain.
La première réalisation est la place des Victoires. Aujourd’hui, il y a en son centre une statue équestre, mais celle-ci date de 1822. La statue d’origine représentait le roi en pied, écrasant un cerbère représentant la Quadruple-Alliance, vaincue lors de la guerre de Hollande. Pour s’assurer que le message était bien clair, les 4 nations qui composaient ladite alliance étaient aussi représentées individuellement sous forme d’allégorie au bas du piédestal, en position de vaincus. Ironie de l’histoire, seuls ces captifs ont survécu à la révolution, ils sont toujours visibles au Louvre.
La seconde place royale consacrée à Louis XIV est l’actuelle place Vendôme. Cependant, la statue a été remplacée par une colonne sous Napoléon.
Le point remarquable de ces places est que tout est fait pour mettre en valeur la statue du souverain : façades uniformes, proportions étudiées, perspectives des rues et même la forme générale de la place. Sur la place des Vosges que nous avons vue précédemment, il faut chercher la statue de Louis XIII. Sur la place des Victoires, on ne voit qu’elle.
A partir de là, le principe de la place royale essaime dans toute la France. Chaque ville essaie d’avoir la sienne. Ce sont les actuelles places Bellecour à Lyon, Stanislas à Nancy, de la Libération à Dijon, etc.
Souvent, on construit désormais directement les façades, charge aux futurs propriétaires de se raccorder lorsqu’il construise derrière. Ainsi, l’esthétique est parfaitement maîtrisée.
La place Louis XV, un ratage?
Louis XV signe la dernière de ces places royales parisiennes avec celle qui est aujourd’hui la place de la Concorde. Avant le célèbre obélisque, il y avait donc une statue de Louis XV.
Cependant, les moyens financiers disponibles pour les achats de terrain et les constructions ne sont plus les mêmes. On construit donc sur un terrain qui appartient déjà en grande partie au roi, mais qui se trouve en marge de la ville. D’autre part, sur la majorité de sa périphérie, la place ne dispose pas de constructions, elle est simplement bordée de fossés et de balustrades. L’effet visuel est donc beaucoup moins spectaculaire.
A ces difficultés matérielles, s’ajoute un choix de monument assez surprenant. Au pied de la classique statue équestre de Louis XV, se trouvaient les allégories des 4 vertus cardinales (Prudence, Tempérance, Force, Justice). Ceci va alimenter la critique du souverain en inspirant ces vers restés célèbres :
Grotesque monument
Infâme piédestal
Les vertus sont à pied
Le vice est à cheval
Pour parachever le tableau, la place est le théâtre d’un drame en 1770. Un feu d’artifice est tiré pour le mariage de Louis XVI et de Marie-Antoinette. Il s’ensuit un mouvement de foule gigantesque qui fait 132 morts. Ce n’était pas de très bon augure.