L’église Saint-Germain-l’Auxerrois
A proximité du Louvre, se trouve l’église Saint-Germain-l’Auxerrois, construite entre le XIIème et le XVème siècle. La transformation radicale du quartier sous le Second Empire a donné lieu à l’un des ensembles les plus surprenants de Paris. Voici l’histoire de cette évolution.
Un quartier très dense
En 1850, les habitations encadrent l’église de près. Il faut dire qu’à l’époque, nous sommes dans un des arrondissements les plus densément peuplés, avec 86 000 habitants / km² (aujourd’hui il y en a moins de 20 000/ km² dans le centre de Paris). Il y a donc très peu d’espaces libres.
Pourtant, face à cette église, (donc dos au photographe) se trouve un monument qui mériterait une vue dégagée. Il s’agit de la colonnade du Louvre, construite pendant le règne de Louis XIV. Avec 140 mètres de long, c’est l’imposante façade principale du Palais, celle qui se trouve face à la ville.
Pendant le règne de Louis XIV, il était déjà envisagé de supprimer les habitations à proximité de la colonnade. Mais, les procédures d’expulsion n’existaient pas encore, et les moyens disponibles pour racheter les terrains manquaient. Pendant des siècles, des habitations continuent donc de remplir les espaces entre la colonnade et l’église, comme on le voit sur la photo de 1850.
Changement de style au XIXème siècle
Tout change au cours au milieu du XIXème siècle :
- D’abord, entre 1810 et 1850, plusieurs lois ont facilité les expropriations. Sous le Second Empire, on n’hésite pas à s’en servir et à exproprier largement (non loin, sur l’Ile de la Cité, environ 15 000 personnes doivent plier bagages).
- La rue de Rivoli est prolongée jusqu’à l’hôtel de ville et passe à quelques dizaines de mètres de l’église. C’est un vrai axe est-ouest près duquel on va largement reconstruire.
- On se préoccupe aussi du patrimoine, avec l’idée de dégager les alentours des monuments pour les mettre en valeur (une vision très différente de celle d’aujourd’hui où on essaie de conserver le monument dans son environnement).
L’église est sauvée malgré son très mauvais état (elle a servi de fabrique de salpêtre après la Révolution). Elle est même complètement restaurée, avec une reproduction à l’identique des sculptures du porche par exemple. Les habitations du quartier, considérées comme insalubres, sont en revanche largement détruites.
Un espace à remplir
En 1858, on a donc fait de la place comme le montre la photo ci-dessous. L’espace qui se trouve devant l’église va bien sûr rester libre, cela permet d’avoir une belle place vis-à-vis de la colonnade du Louvre. Cependant, il faut trouver quelque chose de nouveau à mettre à côté de l’église.
Or, il se trouve qu’à la même époque, on repousse les limites de la capitale, et que Paris est réorganisé en 20 arrondissements, pour lesquels il faut construire des mairies. C’est là que l’histoire devient originale, la mairie du 1er arrondissement est construite à cet emplacement dans le style (gothique) de l’église. Une mairie, bâtiment civil par excellence, reçoit donc une rosace. Elle copie aussi le pignon et le portique de Saint-Germain-l’Auxerrois.
Mais les deux bâtiments occupent une parcelle non rectangulaire et ne sont donc pas disposés parallèlement. Il existe donc encore un espace, entre les deux, à l’avant. Pour le combler, les architectes du Second Empire trouvent une autre solution originale, avec la construction d’un beffroi doté d’un carillon. L’architecture s’inspire fortement du beffroi de Bruges, mais c’est une construction inédite à Paris où il n’existe aucun beffroi de ce type. Des arcades font le lien entre le beffroi d’une part, et les deux bâtiments latéraux d’autre part, donnant à l’ensemble toute sa cohérence. On dirait presque que tous ses édifices sont contemporains, alors que quatre siècles les séparent.
Sources / en savoir plus
- Atlas du Paris haussmannien de Pierre Pinon
- Démographie de Paris (voir les cartes de densité très instructives)