L’enceinte des fermiers généraux
Entre le cours de Vincennes et la place de la Nation, se dressent deux colonnes dont la fonction n’est pas spécialement évidente. En fait, il s’agit d’un vestige de l’enceinte des fermiers généraux, une enceinte qui a laissé des traces un peu particulière dans tout Paris.
Les colonnes agrémentaient l’une des portes qui permettaient de franchir l’enceinte et d’entrer dans Paris. On connaît trois autres vestiges de ce type, également situés au niveau des portes. Le mur d’enceinte, lui, a complétement disparu.
Une enceinte fiscale
En général, quand on construit une enceinte autour d’une ville, c’est pour protéger ses habitants des dangers extérieurs. Ici cependant, il n’y a aucune vocation défensive, l’enceinte est uniquement destinée à prélever des taxes.
Sous l’Ancien Régime, l’Etat ne prélève pas directement tous les impôts. Il loue à des financiers, pour une durée de 6 ans, le droit de le faire. On dit que ces financiers prennent le droit à ferme, d’où leur nom de fermiers. Ce sont même des fermiers « généraux » car, depuis Colbert, les droits sur les marchandises entrant dans Paris sont englobés dans un grand package incluant d’autres impôts.
Les fermiers généraux avancent donc une somme d’argent importante et se remboursent (si possible avec bénéfices) en prélevant les taxes ou impôts. On comprend donc leur motivation pour réduire au maximum la fraude. A cet effet, en 1785, ils obtiennent justement de Louis XVI le droit de construire un vrai mur, obligeant tout le monde à passer par des portes pour entrer dans la ville (et au passage, ils agrandissent aussi un peu le périmètre, il n’y a pas de petits profits). Le mur est assez imposant puisqu’il fait 24 kilomètres de long pour 3 mètres de haut. Preuve de leur belle motivation, les fermiers généraux le terminent en seulement 18 mois.
Le mur n’est évidemment pas du goût de tout le monde. Une phrase parvenue jusqu’à nous le résume très bien : « le mur murant paris rend paris murmurant ».
Probablement, pour faire passer la pilule, l’architecte Claude-Nicolas Ledoux créent de beaux monuments, dans un style librement inspiré de l’antiquité, qui viennent agrémenter chacune des barrières permettant l’entrée dans la ville. Il y en avait 55 ! Mais les Parisiens ne sont pas très sensibles au charme de ces bâtiments. La barrière de Passy, par exemple, est attaquée dès le 13 juillet 1789. Cependant, tout est restauré en 1798 et les prélèvements reprennent jusqu’en 1860, date à laquelle Paris est étendu jusqu’à l’enceinte de Thiers, aux environs du périphérique actuel.
Vestiges et empreinte de l’enceinte
Cette carte maison détaille quelques traces laissées par l’enceinte. 4 barrières sont donc restées debout mais il y aussi des signes plus discrets dans le Paris d’aujourd’hui.D’abord l’enceinte a amené la création de larges boulevards qui font un anneau autour du centre historique. Cela a permis plus tard la création de deux lignes de métro en grande partie aériennes, les lignes 2 et 6 qui suivent le tracé de l’enceinte.
D’autre part, un certain nombre d’activités se sont installées, pour des raisons fiscales, à l’extérieur de Paris. C’est notamment le cas de tout ce qui est lié au commerce du vin (et de l’alcool en général) puisque cette marchandise était lourdement taxée intra-muros. Un premier exemple nous est fourni avec la rue de la Gaîté, qui se trouve juste derrière le tracé de l’enceinte, et qui doit son nom à l’installation de nombreuses guinguettes, bals et restaurants, puis de théâtres populaires (dont plusieurs sont encore en activité). Le quartier de Bercy en porte aussi les témoignages avec ses chais et ses entrepôts. Bercy, qui est alors encore une commune autonome, bénéficie en effet d’une situation idéale, proche de Paris mais non concernée par ses taxes, et en bords de Seine, ce qui permet le transport de marchandises. Elle est alors considérée comme la capitale européenne du vin.
Photos :
- Barrière du Trône : Mbzt (Wikipedia Commons) / CC 1.0 Generic license
- Rotonde de la Villette : Carsten Sprotte (Flickr) / Licence CC BY 2.0
- Barrière d’enfer : Coyau (Wkp) / Licence CC BY-SA 3.0
- Rotonde du parc Monceau : Rafael Garcia-Suarez / Licence CC BY-SA 2.0
- Entrepôts de Bercy : Didier Duforest / Licence CC BY-SA 2.0